L’apogée des troubadours se réalise au cœur d’un duché au faîte de sa grandeur et de sa prospérité. Le duc d’Aquitaine traite d’égal à égal avec les plus grands souverains de son temps, même si l’expansion territoriale et politique des rois de France, désormais sacrés, va elle aussi croissant dans le même temps.



Le duché d’Aquitaine tel qu’il se présente au temps des premiers troubadours est le résultat d’un très long et complexe processus débuté lors de la conquête des Gaules par César, fait de créations, de rattachements, d’annexions, de conquêtes de territoires situés approximativement entre le Berry actuel et les monts Cantabriques, et entre l’Atlantique et les puys auvergnats.

Le duché d’Aquitaine est un territoire féodal ce qui implique que le duc, tout puissant qu’il soit, doive composer avec un réseau de comtes, vicomtes et barons, dont certains sont de très grands seigneurs, comme les Rudel de Blaye, ayant titre de princes (au sens latin, princeps, c’est-à-dire souverain) ou les comtes d’Auvergne. Il convient aussi de citer des voisins particulièrement agités, comme les vicomtes de Béarn, alors dans l’orbite de la couronne d’Aragon, ou les comtes de Toulouse. Les incidents entre ces maisons et celle d’Aquitaine furent nombreux.
Il faut aussi compter avec les communes, qui se dotent au cours du Moyen-Âge d’institutions bourgeoises, élues sur une base censitaire : en 1206, Bordeaux se dote d’une jurade, composée de riches bourgeois exclusivement, d’une armée civique et d’un maire, élu parmi les jurats.

Souverain moderne, dans la dynamique de son temps, Guillaume IX tente cependant de quadriller son territoire en plaçant des prévôts, fonctionnaires seigneuriaux, dans les principales villes. Il met ainsi en place un embryon d’administration centralisée, sur le modèle capétien.
Le mariage de la petite-fille de Guillaume IX, Aliénor, avec le roi de France Louis VII amènera celui-ci à être un éphémère duc d’Aquitaine, avant que le duché n’échoie, le 8 mai 1152, au jeune comte du Maine et d’Anjou, Henri Plantagenêt, qu’Aliénor épousait ce jour-là à Poitiers, après avoir divorcé d’avec le roi de France. L’Aquitaine passe aux mains de la dynastie Plantagenêt, pour trois siècles brillants, de prospérité et de richesse.

Il n’y a jamais eu d’Aquitaine anglaise. Aliénor épouse Henri Plantagenêt en 1152, comte d’Anjou et du Maine, qui devient, un an et demi après son mariage avec Aliénor, roi d’Angleterre. Bien qu’ils aient été incarnés dans une seule et même personne, les rois d’Angleterre et les ducs d’Aquitaine ont toujours été deux princes distincts. Jamais un duc ne s’est présenté à Bordeaux ni à Poitiers sous le titre de roi d’Angleterre : pour s’adresser à leurs sujets gascons, ils retiraient la couronne de Saint Edouard pour ceindre celle de Waïfre et de Loup. Les langues administratives de l’Aquitaine étaient le latin et l’occitan. En 1453, à l’issue de la Guerre de Cent ans, le duché d’Aquitaine est rattaché à la couronne de France. Son territoire se limite désormais plus ou moins à l’ouest de la Gascogne. Le fait que le maire de Bordeaux ait été à cette époque-là un Britannique, Gadifer Shorthoise, contribua sans doute à donner l’impression fausse d’une Aquitaine occupée par les Anglais. La personnalité remarquable de Bordeaux à l’époque n’est toutefois pas lui, mais son archevêque, le primat d’Aquitaine Pèir Berland, dernier symbole de l’Aquitaine des rois-ducs.