De nombreux troubadours servirent les plus grands princes et mécènes du monde occidental, notamment en Catalogne, Castille et Italie du nord. Dans ces régions des cours aristocratiques, princières ou même royales possèdent ainsi une forte identité culturelle occitane.


Catalogne - Aragon

L’art des troubadours est particulièrement prisé à la cour des rois d’Aragon qui sont aussi comtes de Barcelone et, selon les époques, seigneurs de Montpellier et comtes de Provence.
Marcabru et Pèire d’Alvèrnhe ont chanté Raymond-Béranger IV. Son fils, Alphonse II (1157-1196) protégea peut-être Pèire Vidal et Guiraud de Bornelh et son petit-fils Pierre II (vers 1174-1213) accueillit sans doute Raymond de Miraval, Gui d’Ussel et Azémar-le-Nègre, avant de perdre la vie aux côtés de la noblesse occitane lors de la croisade albigeoise.
Un grand nombre de troubadours catalans fleurirent dans l’entourage de cette cour. Guilhem de Bergadan, Guiraut de Cabrera, Cervèri de Girone, Uc de Mataplana, seigneur catalan blessé lui aussi à Muret, qui protégea lui-même le grand poète catalan d’expression occitane Raymond Vidal de Besalú (vers 1196-1252)…
Plusieurs troubadours occitans, après la croisade, s’exilèrent en Aragon, comme Pèire Cardenal, Aymeric de Peguilhan, Bernard Sicard de Marvejols, Pèire Basc… Plus tard, Guiraud Riquier fit plusieurs séjours en Aragon et en Catalogne, alors qu’il servait la cour de Castille.

Castille & Léon, Navarre

Entre 1157 et 1230, les royaumes de Castille et de León furent séparés.
Alphonse IX de León (1187-1230), roi mécène, poète et musicien lui-même, chanté par un grand nombre de troubadours, accueillit sans doute Pèire Vidal et le Périgourdin Elias Cairel (début du XIIIe Siècle). Uc de Sent-Circ fit aussi plusieurs passages en Castille ainsi que dans d’autres cours espagnoles. Le Cévenol Perdigon, le Toulousain Aymeric de Peguilhan, le Bordelais Guiraud de Calanson firent peut-être partie des clients des cours castillanes.
Avec Alphonse X le Savant (1221-1284), auteur (en galicien, non en castillan) des Cantigas, culmina le prestige de la cour de Tolède où s’illustrèrent Guiraud Riquier, Guihem Montanhagol, At de Mons et Paulet de Marseille parmi les plus brillants artistes et hommes de lettres d’Espagne, de Catalogne, d’Italie et du monde arabe.
En Navarre régna Sanche VII (1194-1234) que Guiraud de Bornelh rencontra peut-être, puis Thibaut IV de Champagne (1201-1253), un des premiers grands trouvères, semble-t-il fortement influencé par la lyrique troubadouresque.

Péninsule italienne

Dans la péninsule italienne, la maison de Montferrat, notamment Boniface (1150-1207), un des chefs de la quatrième croisade qui mourut roi de Thessalonique, avait attaché à sa personne Raimbaud de Vaqueiras – qui servit dans plusieurs cours de la péninsule, comme à Gênes et à Tortona – mais aussi le Limousin Gaucelm Faidit (qui le suivit peut-être en croisade), et le Toulousain Pèire Vidal.
A la cour de Savoie, au temps de Thomas Ier (1178-1233) vécurent le Toulousain Pèire Raimon et le Médocain Aymeric de Belenoi, qui chanta les beautés de Marguerite de Genevois, épouse de Thomas Ier et fut protégé par son fils Aymon.
La petite cour de Lunigiana, dans les Apennins, fut gouvernée aux XII et XIIIe siècles par des marquis souverains qui furent chantés et pleurés par Raimbaud de Vaqueiras, Aymeric de Belenoi, Aymeric de Peguilhan, Falquet de Romans, Père Raimon et Albert de Sisteron. A Ferrare, la grande famille d’Este protégea au Moyen Âge plusieurs troubadours, comme Aymeric de Peguilhan, qui chanta et pleura le marquis Azzo VI, mort en 1212. Ses successeurs protégèrent Pèire Raimon et Guilhem de la Tor. Uc de Sent-Circ et Sordel servirent à la cour de Padoue.
L’empreinte de cette poésie occitane dans la péninsule italienne fut si forte, qu’au début du XIVe siècle, nous dit Jeanroy, c’est en occitan que composait le jongleur Ferrarino, de Ferrare. Uc Faidit rédigea à la même époque en Italie une grammaire occitane, le Donat provençal, plusieurs années après la rédaction de la Doctrina de Cort, de Raimon Vidal de Besalú que Terramagnino de Pise traduisit en vers. Les poète toscans Terramagnino de Pise, Dante da Maiano Paolo Lanfranchi da Pistoia qui composaient en toscan et en occitan, comme plus tôt Alberico da Romano, firent compiler dans des chansonniers les tençons, razons, cançons et sirventés des troubadours occitans, que Dante Alighieri put lire à son tour.